Nicolas Ancion, Invisibles et remuants, En mille morceaux et L’Ours intérieur.

Installé depuis plusieurs années dans le sud-ouest de la France, tout en bougeant beaucoup et en revenant régulièrement travailler en Belgique, Nicolas Ancion a fait le pari de pouvoir vivre de sa plume. Il vient de publier trois romans aux tons et aux styles très différents, confirmant la diversité de son écriture et de son inspiration: Invisibles et remuants, qui a inspiré Blockbuster, sa pièce récemment créée au Théâtre de Liège, et En mille morceaux et L’Ours intérieur à destination des plus jeunes. Si l’on devait trouver un point commun à ces trois œuvres, ce serait leur engagement, un engagement total, à la fois social, politique, sociétal, humaniste, écologique que l’écrivain affirme avec de plus en plus de force et de conviction depuis  L’Homme qui valait 35 milliards paru en 2009.

Invisibles et remuantsInvisibles et remuants. Invisibles et remuants est à ce jour son livre le plus ambitieux. Et il ne manque pas d’humour, un humour de mots et non de situations. On se surprend ainsi à rire au détour d’une formule bien tournée dans un roman qui n’a pourtant rien de drôle. Comme dans les meilleurs thrillers, l’auteur lance plusieurs intrigues simultanément: une intoxication alimentaire criminelle lors d’un pince-fesses organisé à Madrid par une fondation privée, un photo-reporter indépendant sans le sou, Bruno Wagner, chargé par une revue prestigieuse d’un reportage sur l’Espagne en crise et l’installation en France d’un mercenaire russe aux états de services flatteurs et lié à la mort d’un chercheur vietnamien qui avait mis au point un virus mortel particulièrement contagieux. Après quelques ennuis douaniers, le photographe rencontre, dans un immense domaine de vacances inachevé, autour d’un terrain de golf jamais semé, son seul habitant, un ancien médecin belge qui, à la solde d’un grand groupe pharmaceutique, organisait des «séminaires» pour ses pairs aux quatre coins du globe. Avec une amie roumaine, cet homme tente de mettre des grains de sable dans une machinerie sociale déjà bien enraillée. Car le principal sujet du roman est le désastre économique qui a jeté de milliers d’Espagnols à la rue, incapables de payer leur loyer. Comme Maria, journaliste remerciée du jour au lendemain, qui se rend compte, après deux ans de galère, que «les trajectoires économiques n’ont aucune importance» face à un système économique qui ne fonctionne qu’à coup de chiffres globaux et de statistiques. Soit elle perd pied, soit elle entre en résistance. Et c’est cette voie qu’elle choisit. Et Bruno Wagner va vouloir la rencontrer. (Maelström ReEvolution)

Ancion-1000morceauxEn mille morceaux. «Je m’appelle Jessica et je ne suis pas dans le livre que vous tenez en mains… parce que je suis morte», prévient le texte en quatrième de couverture. Cette jeune fille d’à peine dix-huit ans est morte un samedi soir, après une fête bien arrosée. Mais comment ? Personne ne le sait. Ni Erik, le personnage porteur du roman (double de l’auteur par certains aspects), qui, dans le cadre d’un projet lycéen multimédia, filme ses anciens condisciples. Ni Léa, qui a passé la soirée à une autre fête avec son petit ami Frank qui s’est fait joliment tabasser pour avoir provoqué une bagarre. Ni Karine, peut-être sa meilleure amie, qui lui écrit des lettres magnifiques. Ni La Sorcière, le pseudo d’une blogueuse, derrière lequel se cache une fille de sa classe. Jessica, «belle», «très sûre d’elle», dont le père est policier, s’apprêtait à livrer son témoignage de «fille de flic» dans Debout!, le magazine en ligne que s’apprête à lancer Erik. Est-ce la raison de sa mort ? Ou une overdose ? Ce roman vraiment réussi, parrainé par Infor-Drogues, parle en effet des dangers des drogues, provoquant notamment chez ceux qui en consomment des réactions non maîtrisées. Et aussi des «défonces» à l’alcool auxquelles se livrent les ados en soirée. Derrière chacun des personnages – c’est l’une des richesses de ce roman très fort et très bien construit –, sortent de l’ombre les parents, un père ou une mère engagé dans des relations souvent difficiles avec leur fils/fille, cherchant à comprendre, eux aussi. (Mijade)

Ancion-oursL’ours intérieur. Début de l’été. Olivier, un dessinateur BD, a des soucis avec les nouvelles planches de Zoé et Zelda, «personnages niais, ancrés dans un patriotisme désuet» alors que lui voudrait en faire tout autre chose s’il en était le scénariste. Le directeur artistique vient de les lui refuser pour la deuxième fois. Le voilà donc parti rejoindre sa femme et ses enfants en vacances avec du boulot, ce qui lui met le cœur en berne. La boule noire poilue intérieure qui l’accompagne partout témoigne bien de ce mal-être. L’avion qui l’emporte est obligé de faire demi-tour: une attaque terroriste a eu lieu dans un hôtel de Sousse, en Tunisie, justement là où séjourne sa famille. Qui est saine et sauve. Mais désormais, sa vie ne sera plus la même, il veut la réorienter dans un sens qui lui convient mieux.
Ce roman publié chez un éditeur suisse est l’occasion pour Nicolas Ancion de s’interroger, à travers la remise en cause de son personnage las de dessiner des histoires qu’il n’aime pas, sur la fracture parfois violente entre nos existences et nos rêves. Sur une planète que nous «bousillons» en en gaspillant les ressources. Dans un monde qui nous pousse à consommer toujours plus. Qui nous conduit à nous épuiser dans une course qui n’a aucun sens et nous fait oublier nos valeurs et le vrai sens des choses. Peut-être ne faut-il pas attendre qu’une catastrophe nous arrive, ou simplement nous frôle, pour se regarder vraiment dans le miroir et se remettre en cause ? Mais la vie nous l’autorise-t-elle toujours ? Le narrateur, toujours accompagné d’un plantigrade imaginaire dont la taille ne cesse de se modifier au gré de ses humeurs et des événements, va se rendre compte qu’il est facile de se perdre. (Éditions de l’Hèbe)

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Sorties de presse des ULgistes - automne 2015
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