Russell Banks - Lointain souvenir de la peau

souvenirpeau175Lointain souvenir de la peau… le titre mystérieusement attirant du dernier opus de R. Banks laisse présager le meilleur. On ne sera pas déçu. Russell Banks, l’un des romanciers américains contemporains les plus talentueux, place une fois de plus au centre de son roman un exclu parmi les exclus – un jeune de 22 ans, le kid, condamné pour crime sexuel, condamné à vivre en marge, sous un viaduc autoroutier, dans une Amérique qui veut à tout prix protéger ses enfants, alors qu’elle en broie d’autres. Avec ce regard bienveillant qui le caractérise, R. Banks nous fait peu à peu glisser dans la peau de ce kid, à la rencontre de son humanité en construction, de ce qui peu à peu le fait se sentir autre chose qu’un fantôme, et parfois presque heureux. Lent processus de mue, en partie le fruit d’une improbable rencontre et des dialogues maïeutiques avec un professeur de sociologie génie obèse qui devient, au fil de l’histoire, de plus en plus trouble et insondable, « un homme à deux corps : l’un danse à l’intérieur de son cerveau (…), l’autre est un paquet humide, un quart de tonne de chair solide dans un pâle emballage de peau humaine » (p. 346).  Ainsi, tandis que d’un côté les choses s’éclaircissent, de l’autre, le mystère s’épaissit, grâce à un art du récit totalement maitrisé. Lointain souvenir de la peau est une plongée dans les profondeurs, en quête de ce qui fonde l’être.

R. Banks est non seulement un conteur hors pair et un analyste subtil de l’âme et des relations humaines ; il excelle aussi à décrire l’atmosphère étouffante et les paysages contrastés de la Floride menacée par un cyclone.  De certains passages, un souffle se dégage, comme un envoûtement : on suspend la lecture, on revient en arrière, on relit, on approfondit, on savoure, on est sous le charme ou la force des mots…  C’est là un signe – rare – qui ne trompe pas, celui auquel je reconnais un roman d’exception.

Dominique Lafontaine
Juin 2012

Lointain souvenir de la peau, Russell Banks (Trad. Pierre Furlan, Paris, Actes Sud, 2011)

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