Le ciel est bleu comme une horloge...
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Le ciel ressemble à un immense mécanisme  bien rôdé dont les civilisations anciennes se sont énormément servis pour mesurer le temps et l'espace. Avant l'invention des horloges atomiques, l'observation des mouvements célestes était précieuse, à plus d'un titre.

Le mouvement perpétuel n'existe pas, mais la danse cosmique que l'on observe depuis la Terre s'en rapproche, à l'échelle humaine. En «permanence», les lunes tournent autour de leurs planètes, les planètes autour de leurs étoiles, les étoiles autour du cœur de leurs galaxies-hôtes.

Ce ballet, silencieux et hypnotique, attira très tôt l'attention de quelques animaux, dont l'homme. L'affaire n'était pas désintéressée, loin de là ! C'est en fait grâce à ces mouvements que les rythmes du temps ont été fixés : heure, jour, mois, année – tout est inscrit dans le ciel. En outre, le cosmos désintéressé nous fournit également des informations géographiques gratuites, comme la latitude et la direction des points cardinaux (pour la longitude, c'est un peu plus compliqué, mais le ciel joue également un rôle essentiel).

Ci-dessus : astrolabes perses © StevenWalling

Observer le ciel présente donc de nombreux bénéfices pour les activités humaines :   savoir quand planter ou récolter, comment se diriger, où l'on se situe et quand... L'agriculteur et le voyageur n'imaginent pas travailler sans cela. De même, le prêtre, pour connaître l'heure des cérémonies. Il est donc logique de trouver des mécanismes tentant de reproduire le ballet céleste, dès l'Antiquité.

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Fragments de la machine d'Anticythère - Photos © Marsyas.

 

Un des plus anciens mécanismes retrouvés est la machine d'Anticythère (env. 100-150 avant notre ère). Retrouvée en 1900 au large de l'île du même nom, cette petite boîte (à peine 21cm de hauteur) ne payait pas de mine de prime abord. L'étonnement vint lorsqu'on la radiographia : de multiples engrenages apparurent alors. Quelques recherches plus tard, le verdict tombait : il s'agissait d'un petit ordinateur analogique, utilisant les modèles d'Hipparque pour donner les positions du Soleil et de la Lune dans le zodiaque, la phase de la Lune, la possibilité d'éclipse, des indications planétaires... Son niveau de miniaturisation serait comparable aux horloges du 18e siècle !

Autre mécanisme, les astrolabes. D'origine grecque, ces engins prennent leur essor avec les astronomes arabo-musulmans, qui les perfectionnent à l'extrême. Ils deviennent d'indispensables instruments de voyage, que les Européens adoptent dès la fin du Moyen-Âge – ils les utiliseront, sous une forme ou une autre, jusqu'au 18e siècle. Liège peut s'enorgueillir d'en abriter un nombre conséquent d'exemplaires, via la collection léguée par Max Elskamp à la ville pour le musée de la Vie Wallonne.

L'intérêt des astrolabes est d'être multi-tâches (l'astronome Al-Sufi en recense mille utilisations, mais certaines sont un rien redondantes, ce qui n'enlève rien à l'intérêt de la chose). D'un côté, l'astrolabe accueille une toile d'araignée, le rete, qui indique la position des étoiles brillantes : il s'agit en fait d'une carte du ciel. Classique, me direz-vous ? Non, loin de là ! Cette carte vient se superposer à un tympan, une carte en projection stéréographique du ciel. Cette dernière permet de déterminer la position exacte des astres (hauteur sur l'horizon, azimut) – on peut donc soit trouver où se trouvent les étoiles à un moment donné, soit trouver la date et l'heure en observant le ciel... Le verso de l'astrolabe comporte un viseur, permettant de relever la hauteur des astres (on parle de «peser» un astre), un calendrier zodiacal, et divers outils. Les arabo-musulmans favorisaient les tables trigonométriques («carré des ombres» fournissant tangente et cotangente,  avec un quadrant donnant sinus et cosinus), les Européens les tables horaires (nos ancêtres utilisaient des heures de longueur inégale au cours de l'année, 12 de jour et 12 de nuit, alors que les astrolabes et cartes du ciel fonctionnent avec nos heures habituelles, égales en toute saison).

astrolabe Hans Collaert d'après Jan van der Straet, l'astrolabe (Nova Reperta), gravure au burin, fin 16e siècle, Collections artistiques de l'Université de Liège 
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Plus récemment, on voit apparaître d'autres mécanismes, les planétaires, ainsi que de véritables horloges dites astronomiques. Les planétaires reproduisent le mouvement des planètes autour du Soleil, premier ballet de cet ordre cosmique : en tournant une manivelle, on voit Vénus se ruer à travers l'espace alors que Jupiter se balade tranquillement, sans hâte. Les horloges astronomiques donnent quant à elles diverses indications célestes : phase de la Lune, heure solaire et/ou sidérale, heures des levers et couchers du Soleil et de la Lune, position de la Lune ou du Soleil dans le zodiaque, positions des planètes. Un des premiers exemples connus est l'astrarium construit par Giovanni Dondi en 1364. Basé sur les modèles de Ptolémée, il est hélas perdu (prob. en 1630) et n'existe plus aujourd'hui qu'à travers quelques reproductions, dont une hébergée à l'Observatoire de Paris. Diverses horloges astronomiques, plus récentes, existent toujours, et le Grand Curtius possède par exemple une fameuse horloge astronomique de Sarton (ci-contre).

 

Évidemment, aujourd'hui, nous sommes passés aux horloges atomiques et au GPS. Plus besoin de lever les yeux au ciel... ce qui n'empêche pas de jeter un œil en arrière !


 

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