Les discours qui ont marqué l'Histoire

En août 2009, la collection de livres de poche Points a lancé une nouvelle série, « Des grands discours qui ont marqué l'Histoire ». Chaque volume réunit, autour d'une thématique commune, deux ou trois de ces moments uniques ancrés dans la mémoire collective. Le catalogue compte aujourd'hui une vingtaine de titres bilingues. Pour parler de ce sujet, nous avons interrogé Catherine Lanneau, chargée de cours à l'ULg et co-directrice de l'ouvrage « Les 100 plus grands discours ».

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La série de livres consacrés aux grands discours qui ont marqué l'Histoire balaie les 19e et 20e siècles, et même parfois au-delà, et s'inscrit dans une perspective mondiale, avec la volonté de toucher à des domaines différents. De grandes fractures historiques sont présentes, telles la Deuxième Guerre mondiale – les appels à la lutte de Churchill et de De Gaulle, d'une part, Thomas Mann saluant le courage des résistants allemands et André Malraux accueillant Jean Moulin au Panthéon, d'autre part –, la Guerre l'Algérie – le « Je vous ai compris » de De Gaulle, la déclaration du gouvernement provisoire algérien ou Le Manifeste des 121 – et la Commune de Paris défendue par Louise Michel, Jules Vallès et Karl Marx. Les douloureuses et épineuses questions de l'esclavage, du colonialisme et de l'émancipation de l'Afrique sont posées dans deux recueils où résonnent les voix parfois discordantes de Jules Ferry, Patrice Lumumba, Sékou Touré, Danton et Léopold Sédar Senghor. La non-violence est également au menu avec Gandhi et le Dalaï-Lama, de même que la tyrannie contre laquelle se sont élevés Dolores Ibarruri, Salvatore Allende et Victor Hugo. Figurent encore dans cette collection les appels au renouveau de Nehru en 1947 et de Mandela en 1994 ou à la résistance lancés par Trotsky en 1906, ou Aung San Suu Kyi en 1994.

L'Europe est abordée grâce à Stefan Zweig, Robert Schuman et Jacques Chirac, de même que le Proche-Orient via Ben Gourion proclamant la naissance de l'État d'Israël en 1948, Yasser Arafat annonçant la création d'un État palestinien en 1988 et Itzhak Rabin donnant sa chance à la paix en novembre 1995, quelques minutes avant son assassinat. Les États-Unis ne sont pas en reste avec un face-à-face John Kennedy-Malcolm X autour de la discrimination raciale et de la place des Noirs, le discours de Roosevelt en 1933 ou les célèbres « I have a dream » de Martin Luther King et « Yes, we can » d'Obama. Ou avec la démission de Nixon rattrapé par l'affaire du Watergate en août 1974, qui voisine avec l'enterrement de l'URSS en novembre 1991 par Gorbatchev et l'annonce par de Gaulle de son départ de la direction du gouvernement provisoire en janvier dans une allocution jamais diffusée.

Et puis sont évoqués des sujets de société comme la peine de mort, avec le pour de Barrès et le contre de Badinter, la pilule (Lucien Neuwirth), l'avortement (Simone Veil) et le féminisme (Théroigne de Méricourt, George Sand).

Chargée de cours, à l'ULg, au département des Sciences Historiques (Service d'Histoire de Belgique et de ses relations internationales 19e-21e siècles), Catherine Lanneau a codirigé avec Hervé Broquet et Simon Petermann, Les 100 discours qui ont marqué le 20e siècle, un ouvrage collectif associant politologues et historiens paru en 2008 chez André Versaille Éditeur. Cette somme permet de parcourir le siècle à travers les discours de Gandhi, Churchill, De Gaulle, Arafat, Mandela, Luther King, Jean-Paul II, Gorbatchev et bien d'autres replacés à chaque fois dans leur contexte historique, politique ou culturel. Nous l'avons interrogée sur leur importance dans l'Histoire.

Comme historienne, quel intérêt portez-vous aux discours ?

Les discours m'intéressent en tant que tels comme outils de communication destinés à faire passer un message. Et d'autant plus s'il s'agit de textes ayant influencé plus ou moins directement l'Histoire du 20e siècle, en particulier politique, qui reste mon domaine de prédilection.

Le discours a-t-il toujours eu une grande importance ?

Oui, sous différentes formes, il joue depuis toujours  un grand rôle. S'adresser aux foules en public a toujours été important. Mais il a vu sa portée démultipliée par les médias. On remarque que des orateurs très brillants face à une salle, dans un meeting ou devant un hémicycle parlementaire peuvent l'être nettement moins à la télévision ou devant un micro. Si de Gaulle a très vite maîtrisé l'outil télévisuel, ce n'est pas, par exemple, le cas de Mitterrand qui, en 1965, lors de la première élection d'un président de la République au suffrage universel, est complètement dépassé par ce nouveau média. Aurait-il eu le discours le plus achevé, il ne serait parvenu à rien faire passer tant il était visiblement mal à l'aise.

Peut-on raconter l'histoire du 20e siècle à partir de ces discours ?

Ce serait, je pense, trop restrictif. Les discours que nous avons choisis pour l'ouvrage, nous les remettons dans leur contexte, les relions à leur époque dans une causalité à la fois directe et à long terme. Cela permet de parcourir le 20e siècle à travers eux mais il est clair, alors, qu'il existe des sociétés moins présentes parce que leur histoire peut moins aisément se parcourir à travers de grands moments oratoires. Toute une série de réalités mondiales ne sont pas abordées par le biais des discours politiques. Mais nous avons néanmoins veillé à prendre en compte chaque continent.

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