Les collections d'art africain au fil du temps, une certaine vision de l'Afrique

L'un des aspects de notre relation avec l'Afrique réside dans la constitution de collections d’objets africains, dont le fonds Firket de l’Université de Liège est un exemple. Ces collections, loin d’être des échantillonnages objectifs des productions africaines du moment sont en fait des fenêtres ouvertes sur nos désirs, nos centres d’intérêt et bien entendu sur notre vision de l’Afrique. Tout un ensemble de facteurs qui, au fil des siècles, ont largement évolué.

À voir : Exposition Labyrinthe-Fétiches, à la Cité Miroir, jusqu'au 26 février 2017. Conçue à partir des collections africaines de l'ULg par l'artiste Toma Muteba Luntumbe à l’invitation de Julie Bawin,  cette exposition questionnel'évolution du regard occidental sur les objets africains et leur représentation depuis le 19e siècle jusqu'à l'époque postcoloniale.

 

DapperLes premières collections

Cette évolution commence par une surprise : alors qu’on imaginerait aisément les européens du 17e siècle assez peu ouverts et tolérants, on s’aperçoit en consultant les ouvrages de l’époque que l’africain y est décrit quasiment comme un égal. Le continent africain se divise en royaumes certes aux coutumes parfois un peu étranges mais dont la légitimité ou la complexité n’est pas vraiment mise en cause.

Sur la page extraite de la Description de l’Afrique d’Olfert Dapper que je reproduis ci-contre (un ouvrage célèbre sur l’Afrique publié pour la première fois en 1668), on peut se rendre compte, à la fois par l’illustration et le texte, que l’Africain n’y est pas méprisé.

Dès le 15e siècle, on loue l’habileté des artisans africains. C’est ainsi que de petits objets en ivoire très finement ouvragés sont réalisés en Afrique pour la noblesse du Portugal. C’est également ainsi que des objets plus spécifiquement africains trouvent leur voie vers les cabinets de curiosités et les collections d’arts des cours européennes. Ils y sont à l’occasion décrits fort élogieusement comme dans cette notice d’un tissu congolais de la collection Settala (un érudit milanais dont la collection fut reprise par la bibliothèque Ambrosiana en 1751) :

«une œuvre tout à fait digne d’être observée avec attention en raison de la rareté de la tissure, qui dans ces pays est chose courante, tandis que dans la grande ville de Milan, il n’y a que deux personnes qui la maîtrisent parfaitement».

Un tissu similaire (dit velours du Kasai, inv. 15901) mais collecté bien plus tard figure dans les Collections de l’Université.

Cette remarquable tolérance s’arrête toutefois aux objets utilitaires : la statuaire cultuelle (statues, masques...) en trop grande contradiction avec les idées du christianisme est largement négligée voire taxée de «diablerie».

 

Dapper (Olfert), Description de l’Afrique contenant les noms, la situation & les confins de toutes ses parties,
leurs rivières, leurs villes & leurs habitations, leurs plantes & leurs animaux; les moeurs, les coûtumes,
la langue, les richesses, la religion & le gouvernement de ses peuples
”,
chez Wolfgang, Waesberge, Boom & van Someren (Amsterdam), 1686.
 
 

S’il fallait résumer en quelques mots le concept de ces premières collections africaines, on pourrait dire qu’elles relèvent d’une curiosité et d’une fascination pour un monde distant et largement inconnu. Elles font la part belle aux objets «profanes» (dans notre perception, en tout cas) : tissus, instruments de musiques, petit mobilier, outils, containers divers, objets précieux...

collections artistiques

Pipe à double fourneau, bois, fer, laiton, céramique, inv. 15511 - Ceinture de notable, Fibres végétales, perles, cauris, inv. 15714 - Olifant, ivoire, inv. 15777 - Sandales, Bois, fer, inv. 15075 - Pot à lait, bois patiné, inv. 15355 - Rasoir, fer laiton, inv. 15288 - Peigne sculpté Yisanuna, Bois, lation, inv. 15712 - Haut panier, vannerie, inv.15189 © Collections artistiques ULg
 

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