Le PhotoClub universitaire expose

Affiche2015Du 5 au 13 septembre 2015, les murs de la cathédrale Saint-Paul arborent — pour la dixième fois — l’exposition annuelle du PhotoClub IMAGE. Plusieurs centaines de clichés, oscillant entre portraits, paysages et scènes du quotidien, offrent au visiteur une plongée dans l’univers des 45 artistes exposant. Un bijou de diversité.

Gouttes d’eau, plumes et vues de la Cité ardente se partagent l’affiche de la nouvelle exposition organisée par le PhotoClub IMAGE. Fondée à l’aube des années 1960, cette association entretient de nombreux liens avec l’Université de Liège ; savourant son succès grandissant au cours des dernières années, elle a également toujours cultivé son ouverture vers l’extérieur par les origines diverses de ses membres. Quoiqu’ils les intéressent de près, les aspects techniques de la photographie ne constituent pas pour autant une fin en soi : comme le souligne Claude Sottiaux, président du PhotoClub, la technique incarne plutôt un des moyens à mettre au service de l’expressivité. Par les images qu’il capture, le photographe ne se contente pas de présenter un sujet au public ; levant l’intime voile de sa subjectivité, il livre son propre univers au regard du spectateur. Mise à la portée du grand public avec l’arrivée du numérique, cette créativité est une des dimensions les plus encouragées au PhotoClub : dans cette optique, un des défis pour les photographes en herbe est de sortir de l’automatisme proposé par les appareils. Au-delà des séances, où la forme et le contenu des images sont discutés en groupe, le club organise des sorties collectives dans des lieux singuliers — tels que la mine de Blégny ou le fort de Loncin —, des conférences, et ses désormais traditionnelles expositions. N’adoptant jamais un fil rouge unique, ces dernières privilégient la variété des sujets et des styles, laissant la part belle à la griffe personnelle de chacun des artistes.

Francine Brouillet Andre SkaDès l’affiche de cette nouvelle édition, l’oeil est accroché par l’œuvre de Dominique Hofer. Déployant ses bandes écailleuses, l’architecture y est rythmée par l’abstraction des lignes qui strient sa surface. Le fourmillement de ces arabesques claires et obscures est brusquement interrompu par l’éclair sombre d’une ombre projetée, tandis que les passants marchent inexorablement vers la sortie du cadre. Gagnant quelques couleurs, une des réalisations de Francine Brouillet révèle une structure à la grâce aérienne ; suivant la succession sans fin des triangles, le regard saute d’arête en arête et se perd dans dans la pureté des beiges et des bleus. Dans une des photographies d’André Ska, c’est le turquoise du granito qui prime, subtile évocation des bains et thermes de la Sauvenière. Jouant sur l’opposition entre le noir profond de la table — négligemment inoccupée — et la lumière animant le sol de l’ancien petit bassin, l’œuvre rend hommage à la beauté graphique de la Cité Miroir. Dans ces quelques clichés, et d’autres encore, la dimension architecturale s’efface au profit d’une poésie abstraite, ode à la pureté du trait.

MichelFrancoisDélaissant le béton et le verre, le visiteur découvre plus loin quelques perles de la nature. Dans une vue de Michel François, nos épaules s’affaissent sous le poids de la brume marine, lourde et suffocante. Déchirant la surface veloutée de la mer, quelques rais de lumière viennent ponctuer l’horizon, promesse d’une oasis de calme après la tempête. À cette atmosphère grandiose et menaçante répond la blancheur givrée des Fagnes, capturée par Bernard Sadzot. Alors que la cime des conifères se découpe en ombre chinoise sur le ciel cotonneux, le soleil danse derrière la légèreté du voile recouvrant ce paysage boisé. Cette promenade champêtre se prolonge au cœur d’un cliché de Claude Sottiaux : deux champignons aux tiges translucides et aux frêles chapeaux s’élancent au milieu des herbes, cernés par une lumineuse rosée. Au détour d’autres images, le spectateur s’émerveille devant la libellule de Rodolphe Oury. Contraste vivant avec l’abstraction froide du fond, l’insecte déploie une délicatesse presque mécanique — de son corps fuselé aux reflets métalliques à la sobriété à peine esquissée de ses pattes, de la finesse ciselée des ailes jusqu’à l’écorce duveteuse de la tête et l’onyx de l’œil.

BernardSadzot ClaudeSottiaux RudolpheOury

 

MarieThereseCaprasseCette plongée dans le monde des détails se retrouve dans d’autres photographies, comme la transparence des vagues immortalisée par Marie-Thérèse Caprasse. Loupes déformantes agitées de soubresauts, elles redéfinissent inlassablement les grains de sable qu’elles surplombent. La plasticité de l’eau investit également le travail de Philippe Collard : se détachant sur un arrière-plan résolument noir, une goutte d’eau reste suspendue, figée dans le temps et dans l’espace. Sur un autre cliché, la douceur succède à la fluidité, avec les plumes d’oiseau photographiées par Paule Legrand. Émergeant d’un flou vaporeux, la régularité du pennage cède la place à l’abandon joyeux des barbes libres — un coup d’œil singulier, qui transforme une simple plume en un sujet éthéré et céleste.

PhilippeCollard Paule Legrand

Enfin, l’homme — ainsi que les productions qu’il laisse — ne sont pas absents de cette sélection. De l’œuvre de Christiane et Ernst Heinen, le regard perçoit d’abord les spirales dorées, traces fugitives du tournoiement des flammes. Au centre affleure bientôt une silhouette masculine, dont le profil se découpe sur l’immatérialité de ces cercles incandescents. À ce condensé de force brute s’oppose un portrait d’enfant, réalisé par Pascale Germeau : l’innocente rondeur des traits se heurte à la détermination qui anime le regard et se confirme dans le pli de la bouche. Enfin, certains artistes de l’exposition abordent également les créations humaines, comme cette sculpture prise par Isabelle Halleux. Captives de quelque architecture, les courbes féminines de la statue se drapent dans un filet de chantier, dérisoire protection contre un danger invisible — et lointain clin d’œil à la Pudeur d’Antonio Corradini.

Christiane et Ernst Heinen PascaleGermeau Isabelle Halleux

Ces quelques exemples ne constituent qu’un bref échantillon, un furtif reflet d’une exposition riche de 328 photographies ; qu’il s’agisse de portraits, de captures du monde qui nous entoure ou d’objets qui peuplent notre quotidien, elle rassemble une foule de sensibilités différentes. Nichée sous les voûtes centenaires de la cathédrale, cette explosion de créativité se laisse découvrir pour un temps limité. Une expérience à ne pas manquer.

 

Julie Delbouille
Août 2015

 

 

Ghislain Fonder Martine Lambricht

Jean Pierre Michiels Etienne Boseret

 

 

crayongris2 Julie Delbouille est journaliste indépendante, diplômée en Histoire de l'Art et en Médiation Culturelle.